AMAZING GRACE
Commentaire
La douleur et le recueillement. Rancho Cucamonga, en Californie, pleure la disparition du caporal
Dylan Merola, tué lors de l’attentat à l’aéroport de
Kaboul, aux côtés de 12 autres soldats.
Dylan était né en 2001, l’année des attentats du 11
septembre. L’année où la guerre en Afghanistan a commencé.
Cheryl Rex, mère de Dylan Merola
Je t’aime mon fils. Je ne peux pas imaginer
ma vie sans toi.
Commentaire
20 après, le caporal Merola
fait partie des derniers soldats tués dans la guerre la plus longue de
l’histoire des Etats-Unis. Une mort que beaucoup des personnes venues lui
rendre hommage ne comprennent pas.
Sonore sans synthé
J’ai des amis qui sont morts en Afghanistan. Et j’ai
l’impression qu’on a redonné le pays aux talibans, au groupe qu’on combattait.
C’est vraiment désolant.
Commentaire
Et alors que l’aumônier égrène les noms de ces soldats
tués juste avant la fin de la guerre en Afghanistan, beaucoup se demandent si
leur sacrifice, celui
des milliers de morts et des millions de vétérans des guerres de l’après 11
septembre, a servi à quelque chose. Ou s’ils ont fait tout ça pour rien.
Ambiance sans synthé
Bienvenue pour un nouvel épisode de Signal Fire Radio. Une émission sur les meneurs d’hommes
ambitieux, pour les leaders ambitieux. Et dans laquelle tous les jours nous
terrassons les démons qui nous font douter de nous, grâce à des conversations
encourageantes, qui nourrissent l’esprit.
Commentaire
Un studio flambant neuf, à Wilmington, en Caroline du Nord. Au
micro, des vétérans de l’armée américaine. Rob Rens
et Matt Mylott, anciens Marines
passés par l’Afghanistan et l’Irak, ont créé le Fire
Signal Podcast, une émission qui s’adresse aux vétérans comme eux.
Aujourd’hui, dans leur studio, ils accueillent Chayse Roth, 13 ans passés dans les Marines, dont 8 dans
les forces spéciales. Il a du mal à contenir sa colère face aux événements
d’Afghanistan.
Chayse Roth, vétéran JE PENSE QU ON ENLEVER SON NOM A LUI, ELLE LE DIT DANS LE COMM
Il a fallu aux Etats-Unis quatre présidents,
20 ans, des milliers de milliards de dollars, des milliers de vies, pour
remplacer les talibans par les talibans. Quand vous le dites comme ça, wow, ça
fait mal.
Commentaire
Le retrait d’Afghanistan n’a fait que raviver les
anciennes blessures chez les anciens soldats. Très souvent, en quittant
l’armée, ils ont eu du mal à se réadapter à la vie civile. Ce fut le cas pour Matt,
quand il a pris sa retraite en 2008.
Matt Mylott,
vétéran, fondateur de Signal Fire Media
Quand j’étais militaire, j’imaginais toujours que
j’allais revenir à une vie simple, sûre, confortable, après l’armée. Quelques
jours à peine après mon retour à la vie civile, je me suis réveillé, terrifié.
Commentaire
Après quelques années d’instabilité professionnelle,
personnelle, et une plongée dans l’alcool, Matt Mylott
reprend le contrôle de sa vie. Et décide de partager son expérience, via le
podcast. Pour aider les autres vétérans à surmonter les difficultés, alors que
18 d’entre eux se suicident chaque jour. Et le podcast est particulièrement
important en ce moment : il faut accepter de s’être battu pour un résultat
discutable.
Matt Mylott,
vétéran, fondateur de Signal Fire Media
Quand vous êtes déployés, en danger, dans votre tête,
vous ne brandissez pas un drapeau américain en vous disant que vous combattez
pour les gens aux Etats-Unis. Moi, je me bats pour ceux qui sont avec moi, à ce
moment-là. Si nous essayons de sauver des personnes, nous nous battons pour ces
personnes que nous essayons de sauver, là. C’est tout ce qui compte. Pas une
vision stratégique de là où on sera 5 ou 10 ans après. Je pense qu’on a fait
beaucoup de bien dans ces 20 ans depuis le 11 septembre.
Commentaire
Ne pas y être allé pour rien, c’est ce dont essayent
de se convaincre les vétérans à travers le pays. Temecula,
petite ville de Californie à une heure de San Diego, honore les enfants du pays
qui sont partis à la guerre. C’est ici, dans cette maison construite
spécialement pour lui, que vit l’ancien Caporal Juan Dominguez.
Juan Dominguez, vétéran
Bonjour, entrez, entrez.
Commentaire
En 2010, 3 ans après s’être engagé dans les Marines,
il saute sur une bombe artisanale, sur un chemin d’Afghanistan. Il perd les
deux jambes et le bras droit.
Juan Dominguez, vétéran
Je me souviens de mes jambes qui étaient en train de
tomber, d’être trainées, mais qui étaient encore attachées, complètement
déchiquetées. Je me souviens d’avoir supplié mon camarade Marine de me donner
de la morphine, parce que j’avais tellement mal. Mais il ne pouvait pas m’en
donner, j’avais perdu trop de sang, je serais sans doute mort. Un moment, je
suis en Afghanistan, à la tête de mon escadron, un Marine qui défend les gens.
Et puis voilà, je ne peux plus me raser tout seul, ou aller aux toilettes tout
seul.
Commentaire
Une association qui aide les anciens combattants
construit et lui aménage cette maison, pour répondre à ses besoins.
Juan Dominguez, vétéran
Ca me permet d’être beaucoup
plus indépendant, quand je dois me servir un verre. Je n’ai pas à demander à ma
femme de m’aider pour chaque petite chose. Bien sûr, elle m’aide pour les
choses plus importantes, mais au moins, je peux faire ça par moi-même.
Commentaire
Une manière de rendre hommage à son sacrifice. Juan
n’avait que 16 ans lors des attentats du 11 septembre. Mais ce sera l’un des
facteurs qui le poussent à s’engager. Il a toujours chez lui un morceau des
poutrelles des tours jumelles. Même si sa soif de vengeance a aujourd’hui
disparu.
Juan Dominguez, vétéran
La guerre m’a changé. Tellement changé que parfois je
pleure si je vois une araignée se faire tuer. Je suis fatigué de la mort, de
voir toutes ces morts qui n’ont pas de sens. Quand je me rappelle le 11
septembre, je ne crois pas que j’avais compris ce que c’était la guerre. Je
voyais juste des gens souffrir, et je voulais faire quelque chose.
Commentaire
La grande passion de Juan, c’est la musique. Il a même
des prothèses spéciales qui lui permettent de jouer de la batterie.
Mais la répétition du jour est interrompue par de
nombreux messages. Juan suit de près la situation en Afghanistan. Et il aide
des familles à évacuer le pays. C’est compliqué, l’ancien combattant est très
nerveux.
Juan Dominguez, vétéran
Allô ? Vous êtes là ?
Commentaire
Juan ne comprend pas que son pays puisse ainsi
abandonner les Afghans. Mais pas question pour lui de se dire qu’il a fait tout ça
pour rien.
Juan Dominguez, vétéran
Moi, je ne me suis pas planté. J’ai fait mon boulot,
mes frères d’armes ont fait leur boulot, ils ont donné leur vie. Nous avons
donné des morceaux de notre corps. Nous avons fait notre boulot. Quand nous
étions là-bas, les talibans se terraient. Nous avons fait notre boulot. Je ne
peux pas m’en vouloir, je ne peux pas avoir de regrets.
Je fais tout ce que je peux pour aider ceux qui sont
toujours là-bas. Je ne renoncerai pas… Il y a beaucoup de familles qui me
supplient de sauver leur vie.
Commentaire
Cette émotion, c’est celle de tous les vétérans des
guerres de l’après 11 septembre. Face aux images terribles du chaos à Kaboul,
ils se mobilisent pour faire évacuer leurs interprètes afghans, menacés par les
talibans.
Ambiance non traduite
Commentaire
Arnold Strong est un ancien colonel des Marines. Juste
avant le retrait américain, il a passé jour et nuit à tenter de sauver le plus
d’Afghans possibles.
120000 personnes ont ainsi pu être évacuées
d’Afghanistan. Beaucoup d’entre elles grâce aux efforts des vétérans.
Arnold Strong, vétéran
Un soldat peut quitter l’armée, mais l’armée ne quitte
jamais le soldat. Ceux qui ont servi ont un sentiment d’appartenir à quelque
chose. Cela faisait longtemps que je n’avais pas eu l’impression d’avoir un but
comme au cours des dernières semaines.
Commentaire
La mobilisation du colonel Strong et de son groupe a
permis de récolter plus de 5 millions de dollars, notamment pour affréter des
charters.
Pourtant, on estime que 250000 Afghans alliés des
Américains seraient encore dans le pays. Au risque de devenir les prochaines
victimes d’une guerre qui a déjà coûté très cher, humainement et
financièrement.
A Boston, où se concentrent les plus grandes
universités américaines, des professeurs et des chercheurs se sont penchés sur
le coût des guerres de l’après 11 septembre. Sous la direction de Netta
Crawford, et avec la collaboration d’universitaire de tout le pays, le projet Costs of War a vu le jour.
Les chiffres avancés donnent le tournis. Sur le plan
humain, près de 800000 personnes ont trouvé la mort en 20 ans, dont 7000
soldats américains. Sans compter les millions de blessés. Sur le plan
écologique aussi : l’armée américaine est l’un des plus gros émetteurs de gaz à
effet de serre. Et sur le plan économique, rien que pour l’Afghanistan,
l’addition est particulièrement salée.
Netta Crawford, directrice du Costs of War Project
La guerre américaine en Afghanistan a coûté jusqu’à
présent environ 2300 milliards. 2300 milliards de dollars.
Commentaire
Soit près de 30 ans du budget total de la
Confédération helvétique. Une somme astronomique, qui comprend notamment des
dépenses comme l’armement, le coût des bases et des soldats. A laquelle il faut
ajouter les intérêts sur les sommes empruntées par les Etats-Unis. Et le coût
des soins aux vétérans dans les années à venir.
Netta Crawford, directrice du Costs of War Project
On n’aura pas fini de payer pour ces guerres de mon
vivant, au moins en ce qui concerne les soins aux vétérans. Parce que ces
jeunes vétérans auront besoin de soins pendant toute leur vie.
Commentaire
A Los Angeles, en Californie, les anciens combattants
sont devenus un problème visible. Sur ce bout de trottoir, devant
l’administration qui gère les vétérans, les tentes serrées les unes contre les
autres arborent toutes le drapeau américain. Pour signaler aux passants qu’elles
sont habitées par les anciens soldats qui ont combattu pour leur pays.
Rob Reynolds, vétéran
Ils ont mis en place leurs propres règles, pour
maintenir le calme.
Commentaire
Rob Reynolds est un vétéran de la guerre d’Irak. Mais
désormais, il passe ses journées ici, à s’occuper de ces dizaines d’anciens
combattants, devenus SDF.
Rob Reynolds, vétéran
Quand ils arrivent ici, beaucoup d’entre eux n’ont pas
leur carte d’identité, ou d’autres papiers. S’ils ne sont pas inscrits à
l’intérieur dans un programme pour vétérans, on leur demande de quitter les
bureaux, jusqu’à ce qu’ils soient inscrits. Nous, on est ici sur le trottoir, à
se bouger pour leur trouver tous leurs papiers, pour essayer des les inscrire. Comme pour toute grosse bureaucratie, ça
peut être un cauchemar.
Commentaire
Rob Reynolds tente d’aider Christopher, un ancien
Marine, qui vient d’arriver au campement. Et qui est à bout de force.
Christopher, vétéran
Je suis un traitement pour stress post-traumatique, je
prends des médicaments, on sait que j’ai fait des tentatives de suicide.
Qu’est-ce qu’il faut de plus ?
Commentaire
Christopher a fait la guerre du Golfe, mais pour lui,
le même sort attend les vétérans des guerres de l’après 11 septembre.
Christopher, vétéran
Je leur donne 5 ans, à tous les gars qui rentrent
d’Afghanistan, avant d’être dans la rue
Rob Reynolds, vétéran
Oui, c’est ce qu’on disait
Christopher, vétéran
Cinq ans, et vous en aurez 100000 de plus comme nous,
qui seront (bruit de bouche à laisser)
Commentaire
Rien qu’à Los Angeles, il y a près de 4000 vétérans
sans abri. Près de 40000 dans tout le pays. Des anciens combattants qui ne
s’attendaient pas à devoir continuer à se battre une fois rentrés chez eux.
Reportage
: Aviva Fried, Christèle
Jaime, Back To You Productions