Lost in Translation
Radio Télévision Suisse | 25min

Postproduction Script

 

Je pars le 12 juillet, pour moi c’est une date de bonheur parce que quand j’ai quitté l’Erythrée c’était le 12, quand j’ai quitté la prison en Lybie c’était aussi le 12 et quand j’ai commencé la traversée de la mer c’était aussi le 12. On est arrivé le 14 en Sicile, du coup le 12 c’est vraiment un jour de bonheur pour moi. Je pars le 12 juillet

Il s’appelle Mebrahtu, il est Erythréen, et à 23 ans, il a déjà toute une vie d’errance derrière lui…

Là je vais partir à Bruxelles, Belgium

Il avait 17 ans lorsqu’il est arrivé en Suisse. Vingt et un quand les autorités ont refusé définitivement sa demande d’asile. On dit débouté, dans le jargon fédéral. Ce qui veut dire voir sa vie être soudain mise entre parenthèses.

Pour sortir de cette impasse, il a fait de choix de reprendre la route…

 

01’03’’Titre:  Bye bye la Suisse

 

Ce classeur, c’est toute la vie suisse ?

Oui, toute ma vie en Suisse, toutes les décisions, toutes les questions, plein de choses il y a à l’intérieur

Ca c’est la décision….  La décision de Berne qui dise que ma demande n’était pas acceptée en gros.

Ca c’est le papier de contrôle

Chaque mois on doit aller à l’office cantonal pour la tamponner et il fonctionne juste pour un mois.  Pas le droit de refuge, pas le droit de travail. Voilà. Je suis prêt à partir, voilà !

Il fait partie des quelques 7700 mineurs non accompagnés arrivés en Suisse depuis 2014. Sur ces milliers de jeunes, seuls 717 ont obtenu asile. Mais pas lui. Berne n’a pas cru à son histoire et considère qu’il peut refaire la route à l’envers.

 

2’15’’ Synthé : Mebrahtu Kiflemariam

C’est triste mais c’est ça être un réfugié en fait.  Un réfugié, ça veut dire qu’il n’a rien, en fait. Il n’a pas de chez lui, il est toujours réfugié, il doit demander de l’aide aux autres et c’est la pire chose qui m’est arrivée en fait. C’est vraiment la pire chose qui m’est arrivée.

 

Je suis arrivé fin septembre 2015, là c’était quelques mois après….

Dans ce carnet, il a tout consigné. Une écriture serrée qui raconte le désert en camion, la soif, la faim, les 8 mois dans les prisons libyennes, la traversée de la méditerranée sur un rafiot. Et l’arrivée, malade, à Chiasso.

 

En 6 ans en Suisse, il s’est soigné, il a appris le français, multiplié les stages. Et surtout, il a signé un contrat apprentissage dans un magasin de sport. C’était juste 16 jours avant que Berne ne rejette sa demande d’asile. Selon la loi, il aurait dû y renoncer. Mais son patron s’est battu pour obtenir une dérogation.

 

Magasin

T’as reçu les notes déjà peut-être…

J’en ai reçu certaines, mais moins brillantes qu’elles l’étaient pendant les 2 années ou tu m’avais habitué à avoir de super notes…

Disons que je travaille pas beaucoup… Je sais pas j’ai l’impression qu’il faut aller jusqu’au bout mais vu que je pars ca va rien me servir

Et son patron comprend sa déception

 

3’49’’ Synthé : Laurent Paonesso, patron magasin NCS

Il a appris le français. Il commence à s’expliquer en anglais, il a beaucoup d’entregent, il a montré un fort enthousiasme à l’école, moi j’ai reçu les notes il était parmi les plus brillant de la classe, au niveau du boulot, il fait partie des collaborateurs qui sont 100% intégrés. Je sais que je vais le perdre et qu’il va partir, j’ai pas envie de faire de la politique, mais j’ai toujours pas compris.

Si quelqu’un me dit tu fais ça et il reste, je le fais tout de suite.  Y a un truc qui m’échappe, je suis un peu comme lui, je suis abasourdi.

Mebrahtu 

Il y a un bug, on comprend pas, moi j’ai tellement cru que quand je trouverai un apprentissage, ça allait marcher. Quand on m’a dit on m’a dit que ça marchera pas et que je dois quitter, je comprenais pas. Comment ça se fait que je dois partir ?

Il m’a même dit qu’est-ce que j’ai fait de pas bien ? J’ai pas la réponse, j’aimerais rien qu’on me la donne pour que je lui réponde…

Ouais, ça va bien se passer, ça va bien se passer

Ca va aller

Ouais c’est sûr, ça va bien se passer

Ecole

Good afternoon everybody!

Deux jours par semaine, Mebrahtu rejoint les autres apprentis à l’école. Il s’est même inscrit à un cours d’anglais qui n’était pas obligatoire. Pour sa prof aussi, son départ est un gâchis.

 

Vous vous comprenez son choix ?

5’15’’ Synthé : Marlène Montavon, Collège et Ecole de Commerce Emilie Gourd, Genève

De devoir quitter la Suisse pour un pays francophone ? Euh… il est obligé, on lui laisse pas le choix ! il a pas d’autre options. Ce qui me frappe aussi c’est qu’il a des amis qui sont arrivés en même temps que lui et qui ont pu stabiliser leur situation et lui qui est là depuis tant d’années ici et qui offre vraiment toutes les garanties d’une excellente intégration, on lui ferme la porte

Ca vous fâche ?

Oui assez. Ca me choque, ca me choque pour lui, ca me choque pour tout les gens qui se sont investi autour de lui, son patron, les gens qui l’ont accueilli, oui je trouve que c’est une grande perte.

 

Alors au bord du lac, quand il retrouve comme chaque soir, ses potes pour s’entrainer, c’est toujours ce même sentiment d’injustice qui domine.

 

Sport avec ses potes

 

Mebra c’est le grand frère du street work out, maintenant

C’est le boss des Erythréens !

Personne ne le remplace.

C’est le plus ancien des Erythréens qui s’entrainent avec nous !

C’est un bon gars, c’est un débrouillard

Vous vous êtes dans quelle situation ?

6’12’’ Synthé: TH

Moi j’ai un permis C, je suis ici depuis que j’ai 8 ans, moi j’ai la chance d’être arrivé, j’ai ma famille… il m’a pas mal raconté etc. franchement à sa place je sais pas comment je serais lui mentalement il est hyper balèze, franchement chapeau, mec

Merci mec !

Vous connaissez son parcours ?

 6’59’’Synthé : Max

Je sais pas ce que je peux dire… la prison dans son pays, le fait qu’il se soit débrouillé tout seul avec des élevages d’animaux pour s’en sortir. Et puis après le parcours pour venir ici. Il me semble que tu as un de tes meilleurs amis qui s’est fait tué devant toi

Oui

Voilà c’est pas des choses simples. Il garde toujours le sourire et voilà, c’est un vrai homme, ça fait plaisir ! Pas comme les gens d’ici qui dépriment au moindre problème. Après c’est sûr qu’il y a pas la place pour tout le monde, on peut pas accueillir tout le monde c’est normal, mais pour les gens qui se battent qui font qq chose, ca vaut le coup, ça vaut la peine

 

Le mec il est parti de rien, de rien, il a réussi à se relever, à remonter et vous voulez le renvoyer ? Je comprends pas. A un moment donné il faut parler avec le cœur, pas avec le business ou quoi que ce soit

 

Office cantonal de l’emploi

Dernière fois !

C’est la dernière fois qu’il vient faire tamponner son papier blanc à l’office cantonal de la population. La feuille où il est écrit depuis 2 ans : doit quitter la Suisse. Il est soulagé. Un peu amer aussi.

Moi j’avais tout un espoir. Avoir une vie ici, avoir un travail, je me préparais pour avoir une vie stable en fait.  Du coup quand tout d’un coup j’ai reçu cette décision, tous les espoirs que j’avais ils étaient tous cassés.

Mais ce qui le motive surtout à partir, c’est la crainte d’être renvoyé chez lui et enrôlé de force dans l’armée pour une durée indéterminée. Parce que c’est comme ça que ça se passe dans son pays.

Si je retourne là-bas, je vivrai la même chose qu’il a vécu mon père. Tout l’âge que j’ai vécu en Erythrée, jusqu’à 17 ans, je l’ai jamais vu libre. Il venait juste nous rendre des visites, sinon il était toujours militaire. J’ai pas envie de devenir comme ça. Du coup mon avenir ici c’est vraiment un risque, du coup c’est pour ça que je dois partir et trouver un refuge ailleurs.

 

A la veille du départ, tout s’accélère. Il faut réunir les papiers, refaire un CV. Et Yojoa, l’association qui lui a trouvé du travail, l’aide maintenant à tout recommencer ailleurs

Emmanuelle et CV

C’est important que quand tu arrives là-bas tu puisses montrer tout ce que tu as fait ici, et toute l’expérience, tous les savoirs que tu as acquis, ça c’est ton CV il faudra absolument le mettre à jour

Il manque plein de choses

Surtout l’apprentissage avec Laurent. Je pense que ça vraiment faire une différence Mebra. Tu as terminé ta première année d’apprentissage en Suisse !

 

Pour cette association dont le but est de convaincre les entreprises que ces jeunes ont des choses à offrir, Mebrahtu, c’était un peu leur success story.

 

10’08’’ Synthé : Emmanuelle Werner, directrice association Yojoa

On a à faire a des jeunes qui sont bourrés de compétences, qui sont des compétences de vie. Des personnes très exposées à différentes situations et qui ont dû, de par la force des choses, ils ont  trouver en permanence des solutions, tout l’enjeu pour nous c’est de valoriser ces compétences sur le marché de l’emploi parce que c’est des compétences qui ressortent pas nécessairement sur un CV et pourtant elles sont bien présentes. Je pense qu’avec le départ de Mebra, on perd, Genève perd vraiment un citoyen de valeur

Ca fait quoi entendre ça ?

Je sais pasJe sais pas si Genève me connait, je suis un numéro pour Genève, là peut-être ils vont voir qui je suis, mais jusqu’à maintenant j’étais un numéro.

 

Pour ses colocataires, son patron, ses amis, sa logeuse, ses profs, toutes les associations qui l’ont accompagné, Mebrahtu n’est pas un numéro. Mais personne n’a pu le convaincre de rester. De vivre sans avenir, au gré de coups de tampons délivrés mois par mois.

Ce soir, ils sont réunis pour lui dire au revoir.

 

Fête de départ

Tu m’embêtes Mebra, parce que y a mon fils biologique et y a toi qui est mon fils d’adoption, je suis  à la fois heureux pour toi mais en même temps y a une partie de moi qui t’en veux et je sais que tu le fais pour toi, je t’encourage mais tu m’embête quand même parce que tu es aimé, c est ça le truc

Tu sais ça ? Regarde tous les gens qui t’aime autours de toi ? Tu veux pas aller dans l’émotion. Regarde-moi dans les yeux…Mebra. Ca fait deux ans que te connais, regarde-moi dans les yeux

Du coup je suis courageux quand même

Tu es hyper courageux. C’est un saut de l’inconnu que tu vas faire. Tu quittes tous les gens que tu aimes, que tu connais, qui t’épaulent pour aller dans l’inconnu, tu refais ce que tu as fait y’a qq années quand tu es arrivé en Suisse, tu sais ?

Merci merci

Moi aussi je vous vois comme un père adoptif….

 

On va te dire deux ou trois mots dans même

C’est surtout moi, je vais dire quelques mots

C’est qui qui commence

Je voulais juste dire merci aux gens qui m’ont aidé pour venir ici, pour réussir tout ce que je fais ici. Malheureusement ça a pas terminé bien mais au moins je suis indépendant j’ai appris plein de choses et je peux faire ce que je veux, ça m’a aidé beaucoup. Pour les gens que je vais voir encore, on se verra, on se dira au revoir, mais pour les gens que je voix aujourd’hui la dernière fois et merci

Merci à toi

Merci beaucoup, ça va bien se passer

 

 

Mebrahtu est finalement parti quelques jours avant le 12 juillet, la date qu’il s’était fixée pour quitter la Suisse. A 23 ans, il a abandonné ses amis, son apprentissage dans un magasin de sport,  sa colocation, après 6 ans passé à Genève.

Souris, souris !

Il n’avait aucun avenir en Suisse.

Ils m’ont donné de l’espoir, qu’en tant que réfugié je serai accepté et quand ils me disent que je suis pas accepté, c’est une trahison pour moi

Sa demande d’asile avait été rejetée en 2019. Rester, signifiait être condamné à prolonger son autorisation de séjour chaque mois. Survivre dans la crainte d’être renvoyé en Erythrée. 

En Suisse pour moi la chance elle est toute bloquée…

Alors il est parti

A un de ces quatre !

En voiture, puis en train, plein d’espoir jusqu’à Bruxelles.

 

Deux mois plus tard, à Bruxelles, c’est la douche froide. Il vient de recevoir un refus des autorités belges. Il a fait sa première demande d’asile en Suisse. Il doit donc retourner en Suisse. C’est la loi. Mebrahtu a perdu son sourire. Il se sent pris au piège.

 

14’35’’ Mebrahtu Kiflemariam

J’arrive pas à trouver une bonne réponse pourquoi il faut que je retourne en Suisse parce que vu qu’ils ont dit qu’il faut partir, pourquoi ils me disent de revenir maintenant ? Du coup ma réaction à moi, je sais pas, je me sens perdu en fait ! C’est juste horrible, j’arrive pas à comprendre.

Ils détruisent ma vie en fait. Ils détruisent mon avenir

Vous allez retourner en Suisse ?

Non non ! En Suisse jamais jamais en Suisse. Parce que je sais que ca marchera pas du coup pourquoi aller là-bas ?

A Bruxelles, il a vécu dans ce foyer pendant deux mois.  Avec d’autres réfugiés. Mais aucun n’accepte d’être filmé. Il a retrouvé un cousin, d’autres copains. Des amitiés sans lendemain, parce qu’on ne construit rien entre deux trains. Alors il préfère disparaitre sans leur dire au revoir

Non, non, ça va être triste après. C’est mieux que je parte comme ça c’est beaucoup comme ça. Ils savent pas et voilà.

Train

Partir, partir, oui, mais où ? Horrible…

J’ai déjà fuis l’Erythrée et la Suisse, maintenant la Belgique… je sais pas ce que je vais devenir en fait. Fuir, fuir, fuir, mais après, à faire quoi ? Mon avenir il est noir maintenant. Je vois pas ce que je vais devenir en fait

 

A la gare du midi, Mebrahtu monte dans un train à destination de la France. Il est nerveux, impatient. Sur le quai, il confie tout à coup vouloir tenter la traversée de la Manche pour rejoindre l’Angleterre. Il ne veut pas le dire devant la caméra, pour ne pas inquiéter ses amis à Genève. Et puis pendant un mois : silence !

Le train part. fondu au noir. Mer au ralenti

Le 27 septembre, je reçois ce message

Message what’app

Salut salut salut Béatrice comment ça va ? Désolée j’ai pas pu t’appeler ou te répondre… c’était un peu coupé, hors du monde. J’ai réussi, je suis à Londres maintenant ! Tu m’appelles demain et je te raconterai la suite !

Il a été repêché par la marine anglaise au large de Douvres, mis en quarantaine, puis placé dans cet hôtel en réfection au sud de Londres. Une aile entière réservée à des demandeurs d’asile. Sous bonne garde. Impossible de filmer. Alors on improvise

Vidéo :  

Alors voilà, ça c’est ma chambre…  voilà ça c’est ma table de nuit, mon lit, il est assez grand, j’ai ma télévision ici, là-bas c’est où je mange, ma table à manger, là c’est où je mets mes habits. C’est assez chouette, je suis très content d’être là.

On le retrouve dans ce café proche de l’hôtel, le St-Germain, il est heureux. Mais derrière l’enthousiasme, on devine les épreuves

Ils nous ont dit, ce qui s’est passé en Suisse, en Belgique, ça nous regarde pas… Ce qui s’est passé là-bas, c’est pour l’Europe. Il faut donner les bons arguments pour être accepté ici. Maintenant je suis un nouveau demandeur d’asile en fait.  J’arrive pas à réaliser, je suis tellement content que j’ai pu traversé  Je suis pas encore stable, je suis content, c’est bizarre, du coup je sais pas. En tout cas je suis content d’être là, c’est sûr

Le soir même de son arrivée à Calais, il a tenté une première fois la traversée de la Manche. 34 km sur un bateau pneumatique comme/ à l’image de celui-ci, au milieu des cargos. Une première tentative qui manque de se terminer en drame.

On a fait trois heures de voyage, on n’était pas arrivé dans les eaux anglaises, le bateau il s’est déchiré au milieu de l’océan. On avait 7 enfants et 40 adultes on était.  C’était la nuit, on voyait rien du tout, on allait mais sans savoir ou aller, j’allais chercher les gens, je savais pas ce qui allait m’arriver en fait. C’est un film mais un film réel, ce qu’on voyait à la télévision je l’ai vécu en réel !

 

 

19’36’’  photos : Infomigrants

 

Ils sont sauvés par la police française, déposés sur ce quai, à Boulogne sur Mer.

Pendant 6 jours, il recommence. Des heures de marche en pleine forêt pour trouver un passage, échapper à la police qui éventre les bateaux à peine gonflés sur les plages.

Des heures d’angoisse, à la merci de passeurs qui font le tri entre ceux qui peuvent payer les 2500 euros exigés pour la traversée. Et les autres.

Alors sur ces images prises à l’insu des passeurs, l’insouciance n’est qu’une apparence.

Et puis le 17 septembre, tout fonctionne. Enfin presque  

L’essence c’est limité. Ils te donnent pour 6 heures ou 8 heures, après ils s’arrêtent. Quand on a fait 6 heures de marcher, le bateau, il s’est arrêté.

Le bateau il faisait comme ça… y’avait le vent qui nous touchait, on jetait l’eau!, c’était, je sais pas, j’ai pas un mot pour exprimer ce que j’ai vécu là-bas. Et on a réussi

Mebrahtu fait partie des 17 000 personnes qui sont parvenues à gagner les côtes anglaises cette année. Deux fois plus qu’en 2020. Il débarque sans un sou. Toutes ses économies sont passées dans les poches des passeurs.

Ca fait quoi de voir ça ?

Ca fait plaisir…On se sent en Angleterre ! C’est vraiment cool ici, c’est comme si j’étais à Genève le premier jour ! Je me sens vraiment bien, c’est cool.

Une succession de découvertes. Y compris en sous-sol

Je comprends pas. Tout ça c’est des métros alors ? Waow !

Le lendemain, l’adrénaline est un peu retombée. Et le ton, nettement plus grave.

Vous allez entendre ce que je suis en train de vous dire mais quand tu le vis toi-même c’est pire. Imaginer ou vivre la situation ça fait une énorme différence. Moi je l’ai vécu, c’est tellement horrible que je dirais, je préfèrerais rester à Genève avec un papier blanc que faire ce que j’ai fait en fait. J’ai failli mourir plein de fois, juste pour les papiers.

Pleins de gens qui m’appellent tous les matins, tous les soirs pour me dire c’est comment, ça coute combien, et déjà ils mettent de l’argent de côté pour venir. Disons que l’Angleterre c’est l’espoir de ces réfugiés. 

Vous vous leur dites quoi ?

Je leur dit que c’est très dangereux, qu’il faut pas le faire, moi je l’ai fait parce que je savais pas que ça allait être aussi pire que ça. J’ai eu de la chance, j’en suis sorti, mais…

 

Je pense toujours à mes amis et j’espère que ca va aller pour eux en fait. Je sais pas ce qu’il faut faire pour changer, mais il faut que ça change en Suisse.

Lui recommence tout à zéro, sans parler un parler un mot d’anglais. Et c’est vertigineux

Comme je suis arrivé à Genève, pas de langue, pas de travail. Disons que je suis tout seul, je connais personne. Je suis tout seul. Recommencer je sais pas, ca fait un peur, je sais pas ce qui est mon futur ici.

Mais très vite, il trouve ses marques. Dans le quartier multiculturel de Brixton, il a retrouvé le sourire et il se sent comme à la maison

Waow, là par hasard y a plein de restau Erythréen, des habits des trucs Erythréens en tout cas, typiquement érythréen, du coup on tombe au bon endroit, par hasard ! C’est trop drôle, je suis épaté, je suis très très étonné

Dans un café il rencontre par hasard Micki, un compatriote qui a vécu trois ans à Neuchâtel et a fait le même trajet que lui, il y a quelques années

Ici c’est bien ! il a donné papier, tout, avec ma femme…

Welcome to London ! Thank you

A Genève en fait, j’avais un travail, j’avais un appartement, j’avais juste pas les papiers en fait, j’avais fini les études

Tu travaillais dans un restaurant ?

Non je travaillais dans un magasin de sport

Trop drôle, c’est bien.

C’est la mienne ?

 Ah putain Habesha biera ! Santé !

Félicitation pour toi mec !

Merci

C’est encourageant ?

Trop. Je savais qu’ici ça marcherait ! Du coup je suis sûr que ça va marcher !  En plus j’ai trouvé la bière que je préfère, Habesha biera

Je suis sûr que ça va bien se passer. J’ai confiance

En quelques minutes, on vient déjà de lui proposer un travail. Au noir.

 

 

 

 

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